Date/heure
17 mai 2024
00h00
En 2024, les droits des personnes LGBTQIA+ ne sont toujours pas pleinement appliqués et sont toujours plus menacés. Dans l’Éducation nationale, personnels et élèves subissent de nombreuses discriminations anti-LGBTQIA+ et peinent à faire reconnaître leurs droits par l’institution. Si le ministère n’a jamais fait de la lutte contre les LGBTIphobies une priorité, l’extrême droite et des idées réactionnaires s’immiscent toujours plus dans les établissements scolaires.
Le 7 janvier 2023, Lucas, un collégien de 13 ans, met fin à ses jours. Avant son suicide, il y a eu celui de Doona (étudiante trans à Montpellier, septembre 2020), d’Avril (lycéenne trans à Lille, décembre 2020) ou encore de Dinah (lycéenne lesbienne et personne racisée à Mulhouse, octobre 2021), et d’autres.
Ces suicides rappellent à chaque fois l’absence de moyens humains et financiers pour lutter réellement contre les LGBTIphobies.
Les jeunes victimes d’homophobie et de transphobie sont 2 à 7 fois plus touché·es par le suicide que les autres jeunes. Face à ces drames, le gouvernement réagit peu, voire passe les causes sous silence. Si bien qu’en décembre 2023, Mediapart a révélé que l’enquête administrative ouverte suite au décès de Lucas avait été totalement bâclée. Le principal du collège, qui minimise les faits de harcèlement, n’a, par exemple, jamais été auditionné. Ce même gouvernement a cherché à enterrer le rapport d’inspection sur l’établissement privé catholique Stanislas, qui met en lumière l’homophobie latente dans cet établissement, rapporte des propos sexistes et LGBTIphobes ainsi que la promotion des thérapies de conversion. Ces exemples témoignent du manque de volonté politique du gouvernement à agir concrètement contre les LGBTQIA+phobies.
Ces dernières années et particulièrement ces derniers mois, les attaques lgbtiphobes de l’extrême droite et des milieux réactionnaires et complotistes n’ont cessé de progresser à l’école. Sous l’impulsion des groupes de « Parents vigilants » – portés par les partisan·es d’Eric Zemmour -, des « Mamans Louves », du « Syndicat de la Famille » ou de l » « Observatoire de la petite sirène », c’est une véritable campagne de désinformation à destination de l’opinion publique, et de pression sur la communauté éducative qui s’intensifie depuis la rentrée. Cette campagne s’est conclue par l’arrivée de plusieurs militant·es de « Parents Vigilants » dans les instances représentatives des établissements scolaires et de l’organisation d’un colloque de cette même organisation au Sénat. Ces collectifs s’adressent également directement au ministère, aux rectorats et aux DSDEN. Si l’institution nie leur influence, les interventions d’associations participant aux séances d’éducation à la vie sexuelle et affective (telles que le Planning familial) se trouvent menacées dans certaines académies et certains départements. Derrière ces attaques en règle contre l’éducation à la vie affective et sexuelle, sous couvert d’intérêt de l’enfant, il y a le refus de lutter contre les stéréotypes sexistes et les oppressions qu’ils produisent, la volonté d’imposer la norme hétérosexuelle et cisgenre comme seul horizon « naturel ». C’est pourtant bien en abordant dès le plus jeune âge la question du consentement, du respect de l’intégrité physique, de la diversité des orientations amoureuses et des identités de genre que l’on œuvre à un véritable épanouissement personnel, débarrassé de rapports oppressifs et de normes étouffantes.
En mars dernier, le ministère a publié un projet de programme pour l’éducation à la vie sexuelle et affective. Si disposer enfin d’un programme d’EVAS constitue une avancée, ce projet pourrait cependant davantage et mieux aborder la diversité des identités de genre et des orientations sexuelles.
Les stéréotypes de genre sont rapidement abordés, mais il faut attendre le lycée pour que soit précisée l’analyse et la possible remise en question de la hiérarchisation des genres.
Les hésitations sur les discriminations LGBTIphobes sont préoccupantes. En premier lieu, le projet en l’état n’intègre pas l’intersexualité, la non-binarité ou la transidentité, un oubli pour le moins inquiétant. En second lieu, les questions LGBT ne sont abordées que sous les angles négatifs de la discrimination et des risques pour la santé et non pas comme un éventail de possibilités. De plus, le projet de programme se garde pour l’instant d’employer rapidement les termes adéquats. En primaire, les discriminations sont évoquées sans employer clairement les mots « homophobie » ou « transphobie ». Au collège, les notions de sexe, de genre et d’orientation sexuelle ne sont abordées qu’en 5ème, sans définition des différentes sexualités, et ne réapparaissent clairement qu’au lycée.
Si l’obligation de programme équivalente entre le public et le privé sous contrat est positive, l’absence d’instance de dialogue représentatif dans le privé sous contrat y rend toute relative cette obligation.
On peut également regretter le manque de moyens alloués à la formation, qui est pourtant préconisée dans le projet de programme. Sans formation, on peut imaginer que les personnels qui s’essaieront à l’EVAS pour la première fois risquent de perpétuer sans le vouloir une vision hétéronormée et binaire du genre et de la sexualité, et ce d’autant plus que l’égalité et la lutte contre les stéréotypes de genre demeurent abordées sous l’angle de la binarité dans le programme.
Sans moyens et sans formation, les personnels risquent de se cantonner à réagir aux situations rencontrées par les élèves, davantage que de proposer une réelle transmission de connaissances de soi et des autres. Par exemple, en maternelle, le projet de programme préconise d’aborder toutes les structures familiales dont la famille homoparentale, mais sans moyens ni formation, on peut craindre que seules les classes des enfants vivant dans ces structures familiales abordent le sujet.
Les attaques contre les enfants LGBTQIA+ sont également venues du Sénat, avec le rapport rendu le 18 mars 2024 par la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (LR). Le groupe LR a annoncé une proposition de loi, qui viserait à interdire aux mineur·es non seulement les transitions médicales (traitements hormonaux, bloqueurs de puberté), mais également les transitions sociales – les sénateurs critiquant jusqu’à la notion d’autodétermination avant 18 ans. Loin de toute réflexion basée sur les faits ou la science (les derniers Standards de soin de l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres, publiés en 2022, vont à l’encontre des préconisations des sénateurices LR), les sénateurs ciblent les mineur·es trans par idéologie. Sans attendre les résultats du groupe de travail de la Haute Autorité de Santé sur la question, ils choisissent de mettre dans le débat public la transition des mineur·es, un choix politique qu’ils justifient entre autres par le risque de suicide et de harcèlement accru… oubliant que les taux de harcèlement et de suicide de nos élèves trans baissent radicalement lorsqu’on les autorise justement à transitionner (de 73 %, selon une étude publiée en 2022 par le Journal of the American Medical Association). SUD éducation appelle à lutter contre ces attaques réactionnaires, qui s’inscrivent dans une vaste offensive de droite et d’extrême-droite contre les droits des personnes LGBTQIA+.
À l’école, les LGBTIphobies touchent également les personnels. Malgré les plans et les déclarations successives des ministères de la Fonction publique et de l’Éducation nationale, l’école demeure un milieu professionnel où perdurent de nombreuses violences à l’encontre des personnels LGBTQIA+. Ces violences s’illustrent tout d’abord par des propos et des comportements répétés des collègues et des hiérarchies qui ne font pas l’objet d’une prise en charge réelle et à la hauteur des enjeux. C’est également l’administration qui peut être à l’origine de ces violences. Aujourd’hui, certaines personnes trans peinent encore à faire valoir leur changement de genre ou d’identité sur leur lieu de travail, dans les documents officiels ou administratifs. Ces comportements constituent des violences transphobes qui doivent être dénoncées. Le ministère doit reconnaître et appliquer les droits des personnels LGBTQIA+ ainsi que mettre en place une politique efficace pour améliorer leur quotidien au travail.
C’est par la mobilisation de tou·tes les personnes LGBTQIA+ et de toutes les forces soucieuses d’émancipation et de progrès social, que l’égalité entre tou·tes pourra être gagnée.
SUD éducation revendique :
- la fin des violences physiques (notamment les mutilations) et psychologiques à l’encontre des personnes intersexes
- le droit des enfants trans à l’autodétermination
- le droit à l’autodétermination des personnes intersexes
- une politique ambitieuse de prévention et d’accompagnement des jeunes LGBTQIA+ ou en questionnement quant à leur genre et leur orientation sexuelle, appuyée par la mise à disposition de véritables moyens et par l’ouverture de postes spécifiques de référent·es.
- l’élaboration de matériel pédagogique spécifique sur les questions des LGBTQIAphobies ;
- l’élaboration d’un programme, par la communauté éducative, qui aborde davantage le genre et les identités de genre
- la mise en place dans la formation initiale de modules obligatoires sur les identités de genre et l’orientation sexuelle, pour les futur·es enseignant·es (selon un volume horaire identique dans tous les INSPE ), et pour toutes les autres catégories de personnel (CPE, agent·es) ;
- l’effectivité des séances d’éducation à la vie sexuelle et prévues dans les textes officiels et la prise en compte dans ces séances d’une perspective davantage non hétérocentrée, qui mette sur un pied d’égalité toutes les orientations sexuelles et toutes les identités de genre.
- la mise en place de dispositifs permettant aux élèves de réfléchir aux discriminations et de déconstruire les stéréotypes.
- le respect par les personnels du prénom et du pronom d’usage pour les élèves et personnels trans dans le cadre scolaire et universitaire.
- l’obligation pour l’administration de soutenir, aider et défendre tous les membres de la communauté éducative qui, du fait de leur identité de genre, subiraient diverses formes de brimades, de harcèlement ou de discriminations (élèves, administration, collègues, parents).
- l’obligation pour l’administration d’accompagner ces membres dans leurs démarches, y compris dans le cadre d’un changement de genre et/ou d’identité, en veillant à leur assurer un environnement sécurisé pour qu’ils puissent effectuer leur parcours sans être mis en danger dans leur milieu éducatif et professionnel.